La justice belge est lente ! Ce n'est pas un scoop. Par contre, c'est récurrent. Deux nouvelles condamnations de la Belgique, par la Cour européenne des droits de l'homme, à Strasbourg, viennent confirmer un phénomène inquiétant. Régulièrement, le citoyen n'est pas jugé dans un délai raisonnable.
René Mathy (lire son portrait en page 20), se sentant floué par un concours européen d'architecture pour Bruxelles, avait déposé un recours en annulation du choix du lauréat de ce concours. C'était devant le Conseil d'Etat… le 28 septembre 1998. Dans son arrêt qui condamne la Belgique, la Cour européenne cite des lettres de l'auditeur du Conseil d'Etat, qui résument bien la situation.
Le 6 octobre 2003, il explique : « Je poursuis donc l'instruction de votre requête et j'espère pouvoir déposer mon rapport début 2004, pour autant que le nombre de demandes de suspension et d'autres demandes introduites sous le bénéfice de l'urgence, ne retardent pas une fois de plus mon plan de travail. »
Le 14 juin 2004, il ajoute : « Il me serait tellement plus agréable de pouvoir vous annoncer que mon rapport sera déposé prochainement mais tel n'est pas encore le cas car, vous le savez, l'engorgement dans le traitement des requêtes en annulation est chaque mois plus préoccupant (…) »
Le 7 janvier 2005, un courrier annonce à René Mathy qu'un autre auditeur est chargé du dossier : « M.T. m'invite à vous faire savoir qu'il reprendra l'examen de votre dossier dès qu'il aura obtenu dans un autre dossier de marchés publics, l'arrêt de la Cour de Justice de Luxembourg sur une question préjudicielle relative aux associations momentanées. »
L'affaire a finalement été fixée à une audience du 3 mai 2006 et l'arrêt du Conseil d'Etat, déclarant le recours de René Mathy irrecevable, est intervenu le 23 mai. « Sept ans et huit mois environ, pour un seul degré de juridiction, » constate la Cour européenne qui estime dès lors que le délai raisonnable a été dépassé. L'Etat belge est condamné à payer 8.000 euros à René Mathy pour son dommage moral.
Des faits d'il y a 23 ans
Strasbourg a jugé une deuxième affaire de lenteur, jeudi. Joseph Heremans fut interrogé par la police le 27 janvier 1987 pour des soupçons de pollution remontant à 1985 : 17.000 tonnes de terres polluées déversées dans sa décharge à Mellery. D'enquête en instruction, l'affaire prit le chemin du tribunal correctionnel d'Anvers le 4 mai 1993. Jugement du tribunal le 21 septembre 1994, appel du prévenu cinq jours plus tard, arrêt de la cour d'appel le… 30 juin 2003. Pour en arriver notamment à la conclusion que les faits étaient prescrits sur le plan pénal.
L'affaire est ensuite allée en cassation, et par un arrêt du 20 janvier 2004, la haute cour a cassé l'arrêt d'Anvers et renvoyé le dossier à la cour d'appel de Bruxelles. Qui, semble-t-il, n'a pas encore statué sur les faits. Près de 25 ans après l'infraction présumée.
La Cour européenne de Strasbourg, qui se trompe elle-même en disant que l'affaire est toujours pendante devant la cour d'appel d'Anvers (alors que c'est à Bruxelles), estime que le délai raisonnable est dépassé. Et elle condamne l'Etat belge à verser 30.000 euros à Joseph Heremans pour le dommage moral subit.
Cdlt
hobywen (chien de chasse LBAcien piocheur et renifleur)